Jardin d'inspiration médiévale de la Grange cistercienne de Beauvais

L'association "Grange de Beauvais" à Venouse a mis en œuvre, avec ses bénévoles, sur le terrain de 3 hectares qui entourent les bâtiments, diverses opérations : Conservatoire de cépages, jardin potager, plantes médiévales, etc…

Comme il se doit pour une annexe de l’abbaye de Pontigny, 2ème fille de Cîteaux l’association se devait de consacrer une parcelle à un jardin médiéval selon les éléments figurant sur le fameux plan de Saint Gall (820) élaboré par une assemblée de moines de l’abbaye de St Gall, située près du lac de Constance. Plan instituant l’organisation de l’ensemble du fonctionnement et de la disposition spatiale des différents éléments de leur abbaye; ce modèle idéal de l’organisation médiévale monastique resté à l’état de projet, a servi pour toutes les abbayes pendant plusieurs siècles.

En matière d’implantation des jardins destinés à l’alimentation et aux soins des malades, l’une des principales missions des moines, il est préconisé le principe de trois jardins physiquement séparés,

  • L’hortus où devaient être cultivées 18 espèces alimentaires
  • L’herbarius rassemblant 16 espèces médicinales
  • Le cimetière planté de 15 espèces d’arbres, verger où étaient enterrés les moines.

Après une étude et de nombreuses réunions de concertation entre experts, membres de l’association et l’aide du bureau d’étude Le Parc, un plan à été mis au point, reprenant les canons des jardins abbatiaux et répondant à l’esprit initié par le plan de St Gall, en l’adaptant aux objectifs de l’association de la Grange de Beauvais.

   A savoir, réaliser un jardin médiéval avec le souci d’en tirer une production en prévoyant, la possibilité de vente des produits et d’en faire un point d’intérêt pour attirer et informer les visiteurs.

Un site de 1800m2 a été choisi pour son implantation et sa réalisation effective par les bénévoles de la Grange, avec des aménagements de mise en place respectant le plan établi.

 Ce jardin est donc divisé en 3 parties égales de 600 m2 chacune, elles-mêmes divisées en 3 portions rectangulaires conformément aux canons médiévaux

La première partie de 600m2 constituant le « jardin des confitures »

Interprétation du « verger cimetière » du plan de St Gall, et plutôt verger que cimetière. Ce jardin est consacré aux confitures, gelées, pâtes de fruits, pour la vente, avec au milieu un verger de 9 arbres fruitiers : 2 cognassiers, 2 pommiers reinette grise, 2 pruniers quetsche, 2 mirabelliers et 1 cerisier de Montmorency, avec bordures de cassissiers (45), deux planches de fraisiers (250) et deux autres de rhubarbes qui est très à la mode (30), l’ensemble entouré d’une bordure continue de framboisiers (170). S’y ajoutent 7 poiriers et 3 noyers plantés sur le côté ouest des jardins en dessous de la vigne. Les plantations sont délimitées par des planches semi-enterrées, le reste, est enherbé.

Deux bancs de pierres sont disposés en bordure au niveau du verger. Signalons que sur l’ensemble du jardin sont plantés des petits fruits en alignements, bordure ou planches, de groseilliers, framboisiers, cassissiers et fraisiers.

 

 

La deuxième partie de 600 m2 dit « jardin des simples »

Interprétation de l’«herbarius» du plan de St Gall, principalement consacré aux plantes médicinales destinées à l’époque médiévale aux soin des malades, grandes priorités des activités monastiques.
Ce jardin en forme de croix est divisé en 4 parties découpées par une allée circulaire. Avec au centre un petit bassin avec jet d’eau avec une pompe solaire.

La première partie dite des « Simples »

Dédiée à l’Abbesse allemande Hildegarde de Bingen (1098-1179) dixième enfant d’une famille noble du Palatinat. Elle fonda plusieurs abbayes en Hesse ; Sainte, proclamée Docteur de l’Eglise par le Pape Benoit XVI en 2012 comme Ste Thérèse d’Avila, Ste Thérèse de Lisieux, St Jean de Dieu, elle a été également désignée comme Sainte patronne de l’Allemagne; Hildegarde de Bingen a réalisé une encyclopédie naturelle du nom de « Physica » dans laquelle les plantes occupent une place très importante, la première section le « liber de plantis » reflète un savoir botanique étendu qui fait de nos jours un mouvement de redécouverte enthousiaste. Ouvrage novateur pour son époque, récapitulant toutes les plantes médicinales connues qu’elle a appelé « les simples » où les plantes sauvages locales de la zone tempérée centre Europe dominent largement, ce que l’on constate dans le choix des espèces implantées dans le jardin, provenant toutes de la région de l’abbaye de Pontigny. Parmi elles citons le Pavot qui possède des vertus calmantes, l’Arum à titre purgatif, la Chélidoine dont le suc combat les verrues etc.

Si Hildegarde a été saluée dès le début du siècle dernier comme la première naturaliste, voire la première « femme médecin » d’Allemagne, c’est entre autres à cause de ses observations sur les plantes, dont la justesse s’est vue confirmée par la pharmacologie actuelle.

Le mot simple « adjectif », devient un « substantif » qui s’applique aux plantes médicinales d’utilisation facile, à l’opposé de celles à préparation alambiquée (alambic) d’utilisation complexe réservée aux savants (les moines à l’époque d’Hildegarde).

La deuxième partie dite de « la théorie des signatures »

Elle est dédiée à Paracelse (1493-1541) philosophe de la nature, théologien laïque, original et anticonformiste, phénomène génial qui s’inscrit vraiment dans le renouveau de la Renaissance et qui dit « préférer les sentiers et les routes aux universités où l’on apprend rien ».

Qualifié « soit d’un des plus grands esprits de la Renaissance, soit de « gothique », héritier attardé de la mystique du Moyen Age, car Dieu est au centre de sa version du monde, créateur de la « Théorie des signatures » regroupant les plantes qui de par leur forme couleur ou station présentent une correspondance divine avec la maladie qu’elles soignent. Notion connue depuis Aristote nommée physiognomonie dont Paracelse fit une science.

 

Parmi les plantes la plus connue est la Pulmonaire dont les feuilles portent des taches blanches, faisant penser à un poumon malade, signe donné par Dieu de sa propriété de soigner les affections pulmonaires. Le suc jaune de la Chélidoine rappelle les maladies hépatiques alors qu’Hildegarde de Bingen s’en sert pour soigner les verrues ? les Saules et la Reine des prés qui arrivent à pousser dans l’eau soignent les rhumatismes ce qui s’avère plutôt juste etc.

La troisième partie dite « capitulaire de Willis »

Le premier acte législatif comportant une liste de 94 plantes codifiée en 812 par Charlemagne, consacrée aux plantes médicinales ou alimentaires et utiles, à la disposition des populations diffusée par ses agents dans tout l’empire.

« Nous voulons que l’on ait dans les jardins toutes espèces d’herbes »

Dans ce capitulaire parmi les 94 végétaux (73 plantes et herbes potagères, 16 arbres fruitiers, 3 plantes textiles et 2 plantes tinctoriales), citons le Panais, la Carotte , le Choux, la Bette, le Cardon, la Sarriette , le Fenouil, la Menthe, la Ciboulette, le Persil, l’Echalote, la Chicorée, la Camomille etc.

La quatrième partie dite des « plantes utiles »

Avec diverses plantes à caractère tinctorial, textile, insecticide etc..

En périphérie de ces quatre entités

En périphérie de ces quatre entités sont disposés 4 extensions des parcelles précitées dont les plantes s’apparent au secteur auquel elle se rattache. Par exemple on trouvera les plantes médicinales populaire de la campagne à côté de la parcelle de la Théorie des signatures et relevant du même principe.

           Soit au total près de 150 plantes provenant d’Europe centrale, zone où elles ont été découvertes, répertoriées et implantés dans les jardins abbatiaux de l’époque médiévale.

 

Les plantes médicinales du  »jardin des simples » sont disposées dans des petites parcelles délimitées par de planches de bois, disposant chacune d’1 m2 avec une étiquette, et de façon à les observer aisément à partir des allées circulaires ou de celles des bordures du jardin. Au centre du  »jardin des simples » a été implanté un petit bassin avec jet d’eau, entouré d’une margelle où l’on peut s’asseoir, pour se reposer, consulter une documentation, prendre des notes. A signaler également en bordure du jardin deux bancs de pierres avec buissons d’Acanthes molles encadrant l’entrée menant du  »jardin des simples » au   »jardin des condiments et aromates ».

Cette parcelle des simples est encadrée par des haies, de Sauges officinales, de Romarins, de Houblons et de Framboisiers.

Espace Bellevue

Le  »jardin des simples » est ouvert à l’est par un porche tonnelle garnie de rosiers grimpants permettant d’accéder à un emplacement enherbé réservé à la méditation, tourné vers l’abbaye de Pontigny que l’on voit très bien depuis le site de la Grange implantée sur un point haut d’où son nom, « Beauvais », synonyme de Beauvoir, Bellevue. Au milieu du jardin ont été disposés deux bancs de pierre orientés vers l’abbaye et abrités chacun par un arbre. On distingue l’abbatiale de Pontigny et en fond d’horizon la forêt de Pontigny exploitée autrefois par les moines à des fins de bois d’oeuvre pour la construction, cette forêt a été reprise par l’Etat à la révolution et est désormais une Forêt domaniale gérée par l’ONF.

La troisième partie de 600 m2 « hortus, jardin potager »

 Elle est consacrée aux cultures de plantes aromatiques et condimentaires destinées à la vente.

Au centre au milieu d’un espace dégagé enherbé, trône un grand tilleul pour faire des tisanes et comporte en bordure du jardin un banc de pierre.

De chaque côté, deux bandes de parcelles ont été disposées pour des plantations d’espèces aromatiques et condimentaires destinées à la vente de plants ou de parties sèches comme par exemple des bouquets garnis.

 

Dans l’une d’elle, plus grande toutes ces plantes ont été rassemblées avec étiquettes, en vue d’une présentation globale aux visiteurs des différentes espèces :
  • aromatiques : le thym, la sarriette, le romarin, le fenouil, dont les caractéristiques principales sont liées essentiellement aux arômes (essences), parfums qu’elles dégagent, sachant que outre le parfum ces plantes apportent aussi un gout recherché dans les préparations culinaires.
  • condimentaires : la ciboulette, l’estragon, l’oseille, la menthe, le raifort, plus spécialement orientées vers le gout qu’elles transmettent aux aliments, certaines pouvant dégager un parfum naturellement où en les froissants.
  • à usage de tisane, décoction, apéritif, parfum comme la mélisse, l’absinthe, la sauge, la lavande L’ensemble de la parcelle est entouré de groseilliers, de lauriers sauce et de houblon.

Considérations générales sur l'utilisation des plantes médicinales

Origine des plantes

Lors de la création de toute cette pharmacopée médiévale, par les milieux monastiques européens situés, dans la zone germanique, autour du lac de Constance, et en Suisse, toutes les plantes médicinales des jardins médiévaux provenaient donc du milieu naturel de la zone tempérée de l’Europe centrale. Il n’y avait pas à l’époque de transports intercontinentaux de plantes médicinales. Et nous pouvons les retrouver facilement près de chez nous, en Bourgogne et dans toute la France des plaines et collines. De ce fait toutes les plantes du jardin des simples de la grange de Beauvais, sont des plantes sauvages qui ont été prélevées dans la nature, en bord de routes, dans les jardins potagers traditionnels ; certaines proviennent du jardin médicinal à caractère médiéval de l’Hôpital Marguerite de Bourgogne de Tonnerre.

Utilisation des plantes médicinales

Il faut néanmoins être très prudent dans leur utilisation. Au cours des siècles depuis le Moyen Age, les propriétés et l’utilisation des plantes s’est fortement différentié. La pharmacopée des moines savants a bien évolué depuis. Ce sont maintenant des laboratoires et des industriels qui gèrent sous contrôle de l’Etat les médicaments mis en vente, on est loin des cueilleuses de nos grands-mères. Certaines plantes peuvent contenir par exemple des dizaines de molécules, plus ou moins toxiques ou bonnes pour la santé. En général une seule dite principe actif est extraite chimiquement et développée pour le traitement d’une maladie par les médicaments. Chaque partie d’une plante, feuille, tige, racine ont des propriétés qui peuvent être forts différentes et varier suivant le traitement et également le dosage. Même des plantes considérées comme très toxiques peuvent contenir des molécules actives utilisées pour traiter certaines maladies, mais après un traitement très élaboré. Ne parlons pas des contre-indications dans leur emploi qui peuvent être très lourdes de conséquences si elles ne sont pas respectées. Contentons-nous donc, dans un premier temps de reconnaître ces plantes, d’en découvrir les propriétés les plus diverses qu’elles recèlent sur les nombreux ouvrages qui en traitent et ce sera déjà une grande satisfaction. Qu’elles ne soient plus, si nous ne savons pas les reconnaître, de simples herbes que l’on fauche ou détruit, sans savoir qu’elles contiennent des éléments pour nous guérir qui ont été découverts au cours des temps à l’aide d’études et expérimentations

La phytothérapie remonte aux temps les plus anciens, elle existait déjà dans l’Egypte ancienne, Dioscorides (40-90), médecin dans la légion romaine sous l’empereur Néron, y puisa toute sa science objet de son ouvrage « de materia medica » traitant près de 600 plantes ; initialement tombé dans l’oubli, puis traduit en arabe il ne fut découvert et traduit en Europe que bien plus tard à la Renaissance.
Par ailleurs depuis des temps immémoriaux, de manière empirique et d’origine populaire, les propriétés des plantes pour se soigner ont été transmises oralement. Ne parlons pas des femmes qualifiées de sorcières, d’empoisonneuses, connaissant aussi bien les plantes bonnes pour la santé que celles toxiques voire mortelles les employant  de  manière  parfois très douteuses.  Mais bien sûr, la phytothérapie pratiquée dans les monastères pour les soins des maladies et indigents était jugé beaucoup plus fiable.

Depuis Hildegarde de Bingen, Paracelse et bien d’autres, du Moyen Age à la Renaissance et jusqu’à nos jours, ces plantes médicinales nous ont aidé petit à petit à vivre mieux et plus longtemps, apprenons à les connaître pour mieux les respecter. Mais attention à leur emploi sans discernement, même les laboratoires de nos industries pharmaceutiques qui les étudient et les testent avec le plus grand soin avant utilisation et agrément par les agences officielles de sécurité chargées de les agréer, pour autoriser leur utilisation par le public, ont du mal à s’y retrouver. D’ailleurs d’un pays à l’autre, les avis divergent.

Utilisation des propriétés des plantes dans de nombreux domaines de soins :

Homéopathie :

  • soin « du mal par le mal », la substance provoquant le mal chez un individu sain, pourrait soigner un malade présentant les mêmes symptômes.
  • Infinitésimalité par dilution ou triturations nombreuses de substances actives appelée « souche »
  • Individualisation : le patient n’est pas réduit à sa maladie mais est vu comme un tout « physique et psychique » ;

Aromathérapie :

  • soins grâce aux huiles essentielles substances volatiles obtenues à partir d’une matière première végétale (feuille, fleur, écorces, graines, tiges).

Gemmothérapie :

  • soins par les plantes mais en n’ayant recours qu’aux, bourgeons, jeunes pousses et radicelles, tissus embryonnaire censés concentrer le maximum des bienfaits des plantes

Naturopathie par les plantes :

  • principe général que tout ce qui est issu de la nature est bénéfique, éduque les gens sur le plan de l’alimentation, de l’hygiène de vie complémentaire de la médecine traditionnelle ; qui, elle vise à soigner, ses conseils incluent le plus souvent l’usage de soins par les plantes.

Médecine traditionnelle chinoise :

  • pharmacopée essentiellement basée sur les plantes, centrale dans cette pratique

Fleurs de Bach :

  • médecin homéopathe anglais les fleurs recouvrent 38 élixirs floraux

Herboristerie :

  • soins « galéniques », tisane, infusion, décoction, poudres, huiles essentielles.

Sylvothérapie :

  • approche naturopathique reposant sur l’idée d’un effet curatif de séjours en forêts sur diverses pathologies. Elle englobe un grand nombre d’hypothèses, certaines avérées, d’autres s’approchant plus des pseudo-médecines. Pour soulager le stress,l’insomnie, les troubles cardiaques, la dépression.

Quelques éléments de réflexion sur le vrai pouvoir des plantes et son application par la phytothérapie et la pharmacologie

La phytothérapie, repose sur l’utilisation d’une plante médicinale entière, d’un organe, fleur, racine, tige, ou sur un extrait sélectif. Les médicaments à base de plantes contiennent la quasi-totalité des substances contenue dans la plante, non seulement le principe actif, mais aussi tous les autres, y compris celles qui n’ont aucun effet thérapeutique.
Et paradoxalement, ce sont les plantes les plus toxiques qui ont été utilisées pour nous soigner. Poison mortel pour l’ homme, la belladone, la colchique, ou la digitale sont à l’origine de l’atropine, la colchicine pour la goutte, la digoxine puissant cardiotonique.

En fait les plantes ont produit des molécules défensives pour s’assurer leur protection massive. Ce sont ces molécules défensives que l’homme a détourné à son profit :

le millepertuis éloigne les symptômes de dépression,
la valériane nous endort,
le saule fait baisser la fièvre

La phytothérapie prend le contrepied de l’isolation des principes actifs, principe de base de la pharmacologie moderne.
Les principes actifs isolés sont en effet moins actifs que dans leur environnement complexe qui leurs apporte des améliorations pouvant être notables :

Prodrogue, la substance s’active après avoir été digérée, comme celle du Saule
Synergie, l’ensemble des substances mêlées est plus forte que la somme des principes actifs, cas de la Valériane
Additivité des effets, les molécules contenues dans la plante sont assez communes et non actives, mais combinées elles ont un effet thérapeutique (cas du Palmier de Floride) contre l’hypertrophie bénigne de la prostate.

 

La difficulté de la compréhension est d’autant plus forte que les molécules agissent parfois sur la même cible, mais dans d’autres cas sur des cibles et par des voies différentes.